Dans un article du journal Le Monde, daté du 5 août 2006, Stéphane Foucart écrivait un article consacré à Louis Pouzin sous le titre « L’homme qui n’a pas inventé Internet ».
Pourquoi, suis-je amené à parler de cet ingénieur et chercheur Français, né en 1931, qui a consacré toute sa vie professionnelle, et bien au-delà, aux technologies de l’information et plus particulièrement aux télécommunications et aux réseaux ?
En fait, en lisant ce matin les nouvelles du monde de l’information et des réseaux, je suis tombé sur cet autre article dans la lettre quotidienne de 01-Net qui annonçait que Louis Pouzin, avec 4 autres chercheurs (1), avait été récompensé, ce 18 mars 2013, par le prix « Queen Elizabeth for Engineering » pour leurs travaux respectifs ayant contribué à la naissance du réseau Internet.
Si ceci a attiré mon attention c’est parce que mon parcours professionnel a failli croiser celui de Louis Pouzin. En effet, à la fin des années 60, Météo-France (qui s’appelait alors La Météorologie Nationale) s’était doté d’un des plus puissants calculateurs de l’époque de la marque Control-Data avec un modèle CDC 6400. Cette machine très puissante ne disposait hélas que d’un système d’exploitation rudimentaire (Chippewa puis Scope) mono-tâche qui ne permettait pas de traiter en temps-réel les informations météorologiques. C’est ainsi que s’est mise en place, sous la direction de Jean Labrousse, une équipe informatique constituée, entre autres, d’une division développement chargée de faire évoluer le système Chippewa afin qu’il puisse exécuter simultanément plusieurs tâches, et capables de communiquer entre elles. Faute de compétences internes, une équipe d’ingénieurs sous contrat a été constituée. Elle fût dirigée par Louis Pouzin, alors tout fraîchement rentré du MIT. Le système qui en résulta porta le nom de MeteOS et fonctionna sur les calculateurs CDC de Météo-France pendant plus de 10 ans. L’équipe de Pouzin quitta Météo-France au début des années 70, période à laquelle l’établissement public pouvait alors compter sur ses propres équipes d’ingénieurs et de techniciens qui avaient été formés entre temps. En 1973, je faisais partie de la seconde vague de « sortis d’école » qui rejoignait cette équipe de développement afin de poursuivre le travail d’évolution et de maintenance de MeteOS, avec l’appui d’ingénieurs de Control-Data.
Plus précisément, hormis le fait que j’ai virtuellement croisé Louis Pouzin en travaillant sur des codes qu’il avait conçus et écrits, je l’ai physiquement croisé en 1974-75 alors qu’il était professeur à Supelec, école où j’ai suivi le cycle de spécialisation « informatique système ».
Par la lecture des deux articles que j’ai cités dans ce qui précède, vous apprendrez à mieux connaître cet homme qui est un inconnu pour beaucoup, mais qui a été en fait un pionnier et un visionnaire dans le domaine des technologies de l’information.
S’il n’a pas été mis en avant lors de l’émergence d’internet, il en fut, sans aucun doute, une des chevilles ouvrières. On peut par exemple lui attribuer l’invention du « datagramme » qui est un concept fondamental des protocoles de transport d’information par commutation de paquets, qui eux-mêmes ont inspirés les protocoles de transport et de contrôle de bout en bout TCP/IP. Il fut par ailleurs, à la même époque, directeur du projet Cyclades qui consistait déjà à faire fonctionner un réseau de calculateurs interconnectés, et dont Météo-France faisait d’ailleurs partie. Pour en savoir davantage, je vous recommande la lecture de cet article de Wikipédia.
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(1) Les autres lauréats sont Robert Kahn, Vinton Cerf, Tim Berners-Lee et Marc Andreesen. Certains d’entre-eux sont mieux connus du monde scientifique jusqu’à ce jour où Louis Pouzin sort enfin de l’ombre.