Dans les articles qui ont précédé, je me suis très largement consacré aux constructeurs de voitures de course des années 50 aux années 70, et en particulier dans le domaine de l’endurance. C’est ainsi que j’ai pu évoquer de grandes marques telles que Jaguar, Ferrari, Ford ou Porsche, lesquelles se sont souvent imposées durant cette période, sans oublier quelques outsiders comme Aston Martin, Maserati ou Alfa Romeo. Vous pourrez retrouver un récapitulatif de ces différents articles dans ma synthèse des dossiers sur les voitures de légende.
Je suis toutefois conscient de ne pas avoir été exhaustif, et rares sont ceux qui peuvent d’ailleurs prétendre à l’être, surtout dans un tel domaine et pour cette période foisonnante des 30 glorieuses d’après-guerre durant laquelle toutes ces marques, grandes ou moins grandes, ont rivalisé d’ingéniosité, d’innovation et de prise de risque, sans oublier les nombreux et talentueux pilotes qui les ont accompagnées et dont les noms restent durablement gravés dans nos mémoires.
Si l’on se penche plus particulièrement sur la décade des années 70 à laquelle j’ai consacré plusieurs articles (Porsche, Ferrari, Alfa Romeo), il convient de ne pas passer sous silence la présence remarquable de Matra qui a porté haut les couleurs de la France avec ses MS-670, remportant ainsi deux titres de champion du monde des constructeurs et en alignant, entre autres, trois victoires consécutives aux 24 heures du Mans. Ainsi, ce nouveau dossier leur est en grande partie consacré.
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Avant de nous projeter dans ce début des années 70, il me paraît nécessaire de dresser un bref historique de l’activité de Matra dans le domaine de l’automobile, et en particulier de la compétition avec sa division Matra Sports sous ses différentes dénominations successives en fonction des partenariats (BRM, Elf, Simca, Gitanes, etc.).
En effet, si l’on connaît surtout le groupe industriel Matra pour ses multiples activités dans des domaines aussi divers que l’aéronautique, le spatial, les télécommunications, l’armement, les transports, etc., il ne faut pas oublier qu’il à laissé durablement son empreinte dans le domaine de la construction automobile, le plus souvent d’ailleurs en association avec les grandes marques que sont, ou ont été, Renault et Simca (1).
Tout a commencé en 1964 lorsque Matra, déjà actionnaire majoritaire de l’entreprise de René Bonnet (2), en devint le seul et unique propriétaire. Avec cette opération de rachat, la Société des Automobiles Matra pouvait s’appuyer sur un savoir faire de qualité, acquis de longue date dans le domaine de la compétition, par cette petite société dont le dernier modèle AéroDjet, à moteur central Renault-Gordini, se montrait prometteur. Dans la foulée, une évolution de cette voiture fût proposée sous le nom de Matra Djet puis ce furent la 530 et la Bagheera avec leurs lignes futuristes pour l’époque et qui adoptaient, en plus, pas mal de technologies modernes.
Dans le domaine de la compétition, La division Matra Sports a tenté de mener de front deux activités, d’une part avec les monoplaces et d’autre part avec les véhicules de type sport-prototype destinés à l’endurance.
Cet article étant essentiellement consacré à la compétition d’endurance, je ne m’attarderai donc pas trop sur l’activité relative aux monoplaces, laquelle mériterait à elle seule un article tout entier. En résumé on pourra malgré tout retenir que, après une entrée réussie en formule-3 et formule-2, Matra s’est rapidement imposé parmi les leaders en formule-1 avec un point culminant en 1969 où, avec Jacky Stewart et la MS-80, il décrocha le titre mondial.
Du point de vue motorisation, Matra a souvent fait appel à Ford-Cosworth, voire parfois à BRM, avant de se doter de son propre moteur V12 dont on reparlera un peu plus loin.
Pour qui souhaiterait en savoir davantage, je ne saurais trop recommander la lecture de cet article du site Matra-Passion qui synthétise parfaitement l’activité de Matra-Sports de la formule-3 à la formule-1 et jusqu’aux prolongements chez Ligier.
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L’entrée en compétition de voitures de type sport-prototype dans les épreuves d’endurance du championnat du monde des constructeurs a commencé dès 1966, conjointement aux monoplaces MS-5 de F3. Ainsi est apparue la MS-620, dotée d’un châssis tubulaire et d’une carrosserie en alliage léger (3), elle était motorisée par un moteur V8 BRM de 2 litres de cylindrée et 245 Ch accouplé à une boîte ZF à 5 rapports. Engagées à Monza et à Spa sans succès, elles étaient 3 au départ des 24 heures du Mans où elles durent toutes abandonner, seul Beltoise et Servoz-Gavin (photo ci-dessus) ayant réussi à tenir jusqu’à la 13ème heure. Les autres participations, hors championnat, ont été à peine plus concluantes en dehors d’une victoire à Magny-Cours et une seconde place à la coupe de Paris.
Le retour d’expérience de cette première saison encouragea l’équipe technique à revoir sa copie avec le modèle MS-630. Celle-ci, avec des lignes plus arrondies, un empattement et une voie arrière agrandis, de larges écopes latérales pour le refroidissement et une carrosserie en polyester stratifié, était bien plus qu’une simple évolution à la marge de la 620. Dans un premier temps, elle continua à adopter le V8 BRM avant d’être équipée par le célèbre V8 Ford de 4,7 litres et 400 Ch qui équipait également les Ford GT-40. Hormis quelques victoires remportées dans des épreuves de second plan, l’année 67 n’a pas été convaincante au niveau des résultats. Au Mans l’équipage Beltoise/Servoz-Gavin est à nouveau contraint d’abandonner à mi course.
En cours de saison 1968 la 630 va recevoir le nouveau moteur MS9 Matra V12 dont il convient de dire quelques mots.
Fruit d’un partenariat mixte avec l’Etat et le pétrolier Elf, ce superbe moteur est l’oeuvre de l’ingénieur Georges Martin. Initialement destiné à la formule-1 en version 3 litres, il frisait déjà, dès sa première version, les 400 Ch à 10 000 t/min.
Pour les fans de technique, sachez qu’il s’agissait d’un ensemble bloc-culasse en aluminium de 12 cylindres en V ouvert à 60° avec 4 soupapes par cylindre commandées par deux arbres à cames en tête de chaque rangée. L’alimentation était assurée par un système d’injection Lucas avec admission atmosphérique. Il évolua sans cesse par la suite pour atteindre une puissance qui tutoyait les 500 Ch avec toujours la même cylindrée de 3 litres…!
A la stupéfaction des grands motoristes, et en particulier des italiens maîtres en la matière, Matra a ainsi montré sa capacité à construire un tel moteur, lequel aura une carrière qui se prolongera bien au-delà de la motorisation des Matra elles-mêmes.
Pour la 630, afin de tenir la distance dans les courses d’endurance, le V12 a été bridé à 380 Ch et à seulement 9 000 t/mn. C’est ainsi motorisée que la nouvelle 630-M s’est présentée au Mans en septembre 1968 entre les mains de l’équipage Pescarolo/Servoz-Gavin. En dépit de la pluie et d’un essuie-glace récalcitrant, la MS-630 est remontée progressivement jusqu’à la seconde place du classement derrière la Ford GT-40 de Rodriguez et Bianchi. Hélas, au bout de 22 h de course, en roulant sur des débris laissés à la suite d’un accident, une crevaison suivie d’un début d’incendie a mis fin à l’exploit. Malgré la déception, ceci a permis de démontrer que Matra avait trouvé la bonne combinaison pour prétendre à s’inscrire dans le cercle réduit des grands de l’endurance mécanique.
Fort de ces résultats encourageants, Matra envisageait d’engager à nouveau quelques modèles 630 en 1969 mais également une nouvelle voiture MS-640 dotée d’une aérodynamique très affûtée, laquelle devait permettre de compenser le déficit de performances par rapport aux concurrentes (Porsche et Alfa Romeo entre autres). Hélas, lors d’une séance d’essais en avril, la voiture se montre instable à grande vitesse, se cabre puis s’envole littéralement pour finir totalement détruite. Son pilote, Henri Pescarolo, est très grièvement blessé. Le projet sera abandonné et la 640 ne reviendra plus sur les circuits. S’il n’y avait pas eu ce dramatique accident, cette voiture était on ne peut plus prometteuse car elle préfigurait ce qui fût fait par la suite, avec succès, chez Porsche (4). Elle sera reconstruite bien plus tard pour rejoindre le musée de Romorantin.
Parallèlement, un modèle MS-650 est construit, mais cette fois-ci avec une carrosserie de type barquette ultra plate.
Conçue par Bernard Boyer, elle dispose toujours d’un châssis tubulaire (dérivé de la 640), sera toujours dotée d’une carrosserie en polyester, de suspensions héritées de la F1, d’un poids légèrement réduit et du moteur V12 poussé à 470 Ch.
Certains modèles ont été dotés d’ailerons arrière de stabilisation, voire parfois d’un second disposé à l’avant sur le capot.
Enfin, comme cela se pratiquait chez les concurrents (Porsche, Ferrari, Alfa) la poupe pouvait être tronquée ou pas selon le type de circuit.
Une seule voiture de ce type sera présente au Mans en juin 69. Conjointement, deux autres châssis de 630 seront modifiés pour recevoir la même carrosserie de type barquette. Ces modèles intérimaires porteront le nom de MS-630-650.
Au Mans, quatre voitures seront sur la ligne de départ. La 650 de Beltoise et Courage terminera à la 4ème place, à seulement 4 tours du vainqueur, et remportera la seconde place dans sa classe des 3 litres. Elle est suivie de la « vieille » 630 de Vaccarella et Guichet. L’une des deux 630-650 terminera 7ème tandis que l’autre sera contrainte à l’abandon à la 12ème heure. Le reste de la saison se soldera avec un 4ème place à Watkins Glen.
L’année 70 verra à nouveau des 650 en piste et encore occasionnellement des 630-650. Les voitures se montrent fiables et ne manquent pas de puissance mais les résultats ne sont toujours pas probants, excepté une victoire aux 1000 km de Paris.
Au Mans le nouveau modèle 660 fait son apparition mais aucune des 4 voitures engagées n’atteindra la fin de l’épreuve, abandonnant pratiquement toutes durant la 7ème heure sur pannes moteur dues à des pistons défectueux.
En revanche, en fin de saison, deux 650 adaptées à la course sur route ouverte (garde au sol augmentée, vraie biplaces et certification des Mines) remporteront brillamment les deux premières places du Tour de France automobile (Beltoise/Depailler/Todt devant Pescarolo/Jabouille/Rives). Matra rééditera l’exploit l’année suivante avec l’équipage Larousse/Rives avant que le règlement ne bannisse la présence de prototypes dans cette épreuve.
Avec le modèle MS-660, Matra inaugure un nouveau châssis autoporteur constitué d’une coque centrale cloisonnée en aluminium qui contient les réservoirs de carburant en caoutchouc. Les structures tubulaires avant et arrière sont conservées pour l’ancrage des trains roulants et le support moteur.
Elle est dotée d’autre part du nouveau moteur V12 MS11 qui développe alors 470 Ch. Engagée en 1970 au Mans, aux côtés des 650, elle dut abandonner prématurément (voir ci-avant).
En 1971, la voiture ne fera que d’assez brèves apparitions dont une seule engagée au Mans avec Beltoise et Amon où elle pointa en 4ème position à mi course avant de tomber en panne d’alimentation lors de la 18ème heure. Cette année a par ailleurs été plombée par un événement dramatique en Argentine où Beltoise a provoqué, par imprudence, un accident qui a entraîné le décès du pilote Igniazo Giunti (5).
L’année suivante, alors que le modèle 670 (qui va enfin conduire Matra au succès) fait son apparition, une 660-C est encore une fois engagée au Mans aux bons soins de l’équipage Jabouille et Hobbs. Elle va friser l’exploit en étant encore à la seconde place à moins d’une heure de la fin de l’épreuve avant d’être contrainte à l’abandon sur une panne de transmission, laissant les deux 670 en tête de l’épreuve et privant ainsi Matra d’un triplé victorieux (voir ci-après).
Avec la 660 se termine enfin les années difficiles de Matra en compétition sport-proto d’endurance. Les années de gloire sont pour bientôt…!
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C’est tardivement que les Matra MS 670 firent leur apparition, durant la saison 72, et en particulier en juin au Mans. La voiture est la quintessence du travail réalisé durant les années précédentes, et la digne héritière de la lignée depuis la 650. L’architecture générale de la 660 est conservée avec toutefois un empattement rallongé et un renforcement général de la structure amenant le poids à 720 kg. La garde au sol reste très basse (moins de 10 cm) avec un centre de gravité également très bas du fait de l’implantation des réservoirs de carburant dans la structure monocoque autoporteuse.
La carrosserie est toujours en polyester stratifié et a fait l’objet d’un certain nombre d’adaptations afin de limiter les effets de traînée aérodynamique. Comme cela avait déjà été pratiqué, une version avec capot arrière rallongé sera disponible pour s’adapter aux circuits rapides tels que celui du Mans, le capot court étant réservé à des circuits sinueux tels que le Nurburgring, Spa ou Zeltweg.
La voiture dispose d’un aileron stabilisateur à l’arrière. L’admission d’air pour le moteur s’effectue par une discrète boîte au milieu du capot arrière puis par la suite avec un manchon périscopique décalé sur la droite au dessus de la tête du pilote.
Côté motorisation, le V12 issu de la F1 continue à équiper les prototypes moyennant un léger bridage pour garantir la longévité sur les épreuves longues, et entre autres au Mans. La puissance va varier de 450 à 490 Ch selon les les versions et selon les réglages en fonction des épreuves.
La transmission est assurée par une boîte à 5 rapports d’origine ZF ou Porsche. Les freins à disque ventilés sont, à l’arrière, directement accolés à la transmission. Les radiateurs de refroidissement sont toujours disposés à l’avant.
Il est important de rappeler ici le contexte de la compétition automobile d’endurance de ce début des années 70. En effet, après une énième décision de la FIA de ramener tout le monde à des cylindrées de moins de 3 litres pour les voitures de sport-prototype, les Porsche 917, Ferrari 512-S et quelques autres grosses cylindrées sont mises au rencart. En 1972, Ferrari avec les 312-PB se retrouve pratiquement seul face à Alfa-Romeo et ses tipo-33-TT3 et quelques Porsche 908 vieillissantes, tandis que du côté des GT les Ferrari 365 GTB/4 écrasent la concurrence.
Matra, qui pour l’instant ne participait pas forcément à toutes les épreuves du championnat du monde, se présentait toutefois systématiquement au Mans et cette année là, Ferrari avait décidé de ne pas engager ses 312-PB qu’il jugeait trop fragiles pour tenir la distance.
Pour les voitures bleues, c’était enfin l’occasion de montrer leurs capacités et de se mesurer aux Alfa Romeo qui, en dépit d’une fiabilité variable, étaient également capables du meilleur. Par ailleurs les Lola T-280 pouvaient aussi jouer les trouble-fête.
Ainsi, trois MS-670 vont être engagées entre les mains d’équipages chevronnés (Pescarolo -Hill, Cevert-Ganley et Amon-Beltoise). Par ailleurs une 660 complétera le panel avec Jabouille-Hobbs.
Aux qualifications, Matra s’impose franchement en remportant les 3 premières places en pôle position. En dépit d’une panne moteur pour Amon et Beltoise, les deux autres 670 se sont relayées en tête de la course jusqu’à la 20ème heure où, suite d’un accrochage avec un concurrent, François Cevert laissera le champ libre, et la victoire, à Henri Pescarolo et Graham Hill. Cevert et Ganley se placent toutefois en seconde position à 10 tours devant une Porsche 908 et une Alfa 33-TT-3.
Si Ferrari s’imposait sans partage au championnat, cette victoire au Mans était le grand succès qu’attendait Jean-Luc Lagardère lequel visait dorénavant le titre mondial. Ceci nécessitant des moyens, Matra va abandonner la formule-1 pour ne se consacrer qu’à l’endurance. La MS-670 devient 670-B avec quelques améliorations, une vingtaine de kilos en moins et un moteur doté de 30 Ch supplémentaires.
L’année 73 va voir un duel Matra-Ferrari durant lequel la firme française remportera la moitié des 10 épreuves, Ferrari n’en remportant que 2 mais avec toutefois 5 seconde places. Au final Matra l’emporte de justesse avec seulement 9 points d’écart devant Ferrari.
Au Mans, sur les 4 voitures engagées, seules deux seront à l’arrivée avec Pescarolo et Larousse en tête et Jaussaud et Jabouille en 3ème position, Ferrari réussissant à s’intercaler avec la 312-PB de l’équipage Merzario-Pace.
L’aventure va continuer en 1974 avec une nouvelle version 670-C encore plus légère et encore plus puissante. En version courte, pour courses rapides de 1000 km, elles disposait d’un moteur de 530 Ch et pouvait dépasser les 320 km/h en vitesses de pointe. Deux options sont choisies au niveau transmission, soit avec une boîte Porsche, soit avec une boîte Hewland. C’est avec ce modèle qu’est apparu la prise d’air en forme de périscope au dessus de la tête du pilote.
Pour les courses rapides, sur des distances de 1000 km, la voiture se présentait avec un arrière raccourci et un gros aileron en porte à faux entre deux dérives verticales. Pour Le Mans, elle retrouvait sa configuration d’endurance avec l’arrière rallongé et un moteur dégonflé à 490 Ch et reprenait ainsi son ancienne dénomination de 670-B. C’est cette année là que le partenariat avec Simca et Shell se conjugue avec Gitanes.
Ferrari ayant abandonné définitivement la compétition d’endurance, la concurrence pour Matra se réduisait en 1974 à Alfa Romeo et Porsche mais aussi à Mirage-Ford.
Hormis une sévère défaite à Monza, les Matra se sont imposées sans partage durant tout le reste de la saison en remportant les 9 autres épreuves, et du même coup le titre de champion du monde des constructeurs avec, cette fois-ci, une confortable avance sur Mirage, Porsche et Alfa Romeo qui ne se sont contentés que des miettes.
Au Mans, trois MS-670 sont au départ. Une nouvelle fois, Pescarolo et Larousse l’emportent avec la n° 7 après 4600 km parcourus à la vitesse moyenne de 190 km/h (voir photos ci-dessous). Nous reparlerons un peu plus loin de cette voiture. Pour leur part, François Migault et Jean-Pierre Jabouille se placent en 3ème position. C’est une Porsche Carrera RSR qui réussit à s’intercaler entre les deux françaises.
Alors que les 670 s’imposaient déjà sans partage, Matra préparait déjà sa remplaçante avec le modèle MS-680. Elle est assez peu différente hormis un poids encore inférieur, un empattement allongé, une voie avant élargie et une proue remodelée du fait de la migration des radiateurs vers les flancs de la voiture plutôt que sous le capot avant. Testée au Mans, elle ne se montre pas guère plus performante que les 670 et une seule sera engagée aux mains de l’équipage Jarier–Beltoise. Après une première partie de course satisfaisante elle devra abandonner au bout de 9 heures de course suite à une surchauffe moteur.
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C’est ainsi que, après 3 victoires successives au Mans (72, 73, 74) et 2 titres de champion du monde des constructeurs (73,74), Matra décide de mettre fin définitivement à son activité de compétition et de poursuivre son activité automobile dans la construction de modèles de route, soit sous sa propre marque, soit en les concevant pour le compte de partenaires industriels (Simca, Renault, etc.). En terme de compétition, seule la division moteur a été maintenue. Le V12 de l’équipe de Georges Martin continuera à équiper les F1 de Ligier jusqu’au début des années 80.
J’en profite ici pour dire quelques mots concernant ceux qui ont été les piliers de cette aventure, à la fois technique, sportive et… humaine !
Pour commencer il convient de citer Jean-Luc Lagardère qui, placé très jeune aux commandes de l’entreprise Matra, va fortement impulser la diversification de la société, et en particulier en l’engageant dans l’automobile et la compétition.
Pour Matra Sports il fallait une équipe motivée et elle s’est naturellement constituée sur la base des effectifs de l’ex entreprise de René Bonnet lequel avait su s’entourer d’une équipe enthousiaste et inventive. Pour donner du corps à tout ceci il manquait une direction technique. Celle-ci fût constituée en recrutant deux personnages clef avec Bernard Boyer et Gérard Ducarouge. Le premier était un autodidacte passionné qui a été le concepteur de plusieurs Matra dont la MS80 championne du monde de F1 ainsi que la série des barquettes sport-proto depuis la 650 jusqu’aux 670. Sa spécialité était les châssis et les liaisons au sol. En savoir davantage sur Bernard Boyer.
Le second était ingénieur aéronautique, il intégra à 24 ans l’équipe Matra Sports où il gravit petit à petit tous les échelons pour finir directeur de l’écurie « sport-prototype » durant les années de gloire de 1972 à 1974, après quoi il continua à œuvrer auprès de Ligier, Alfa, Lotus, etc. En savoir davantage sur Gérard Ducarouge.
N’oublions pas de citer Georges Martin souvent cité dans cet article à propos du fameux V12 qui équipa toutes les Matra à partir de la 630. Ancien ingénieur motoriste chez Simca, Georges Martin est passé en 1966 chez Matra où il fût immédiatement en charge de la conception du futur V12. En savoir plus sur Georges Martin.
Il convient également de citer les pilotes, fidèles à la marque, qui se sont engagés avec enthousiasme au volant des voitures bleues, que ce soit en formule-3 ou en formule-2 pour certains à leurs début, en F1 par la suite, et souvent conjointement dans les épreuves d’endurance. Le gros des effectifs était constitué de pilotes français parmi lesquels les noms qui reviennent le plus souvent sont Jean-Pierre Beltoise, Henri Pescarolo, Johny Servoz-Gavin, Jean-Pierre Jabouille, Jean-Pierre Jaussaud, Gérard Larousse, François Cevert, Jean-Pierre Jarier et Patrick Depailler. (6)
Mais Matra a également su attirer de grands noms parmi les pilotes étranger, que ce soit en F1 ou en sport prototype. On peut ainsi citer Jacky Ickx, Jacky Stewart, Chris Amon, Graham Hill, sans oublier les participations ponctuelles de Vacarella, Ganley, Hobbs, Rodriguez, Redman, Courage, Gurney, Widdows et quelques autres.
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Pour terminer, et comme cela est désormais la caractéristique de ce type d’article, nous allons parler des miniatures et plus particulièrement de l’une de ma collection qui m’a servi de prétexte pour l’écriture de ce dossier consacré à Matra.
Il s’agit plus précisément de la MS-670B, châssis B-06, qui remporta les 24 heures du Mans en 1974, dotée du numéro 7 et avec l’équipage Pescarolo-Larousse. Bien qu’elle ait été initialement répertoriée comme un modèle 670-C elle a été reclassée en version B du fait de sa configuration spécifique pour l’endurance avec carrosserie longue et moteur bridé.
Elle fût engagée au Mans aux côtés de deux autres du même type, pilotées respectivement par les équipages Jabouille-Migault et Jaussaud-Wollek (numéro 9 et 8). En complément une 4ème Matra était aussi sur la ligne de départ avec la toute nouvelle MS-680 aux mains de Beltoise et Jarier.
A la première heure de la journée de dimanche, la 7 et la 9 étaient les deux rescapées du camp Matra. Bien installée en tête à 11 tours devant la Porsche Carrera RSR de Van Lennep et Müller, la numéro 7 est en bonne voie pour remporter l’épreuve, Jabouille et Migault pointant pour leur part en troisième position. C’est alors que Pescarolo doit s’arrêter au stand du fait d’une panne de boîte de vitesse. L’équipe décide de réparer avec l’aide de Porsche qui va fournir en urgence la pièce défectueuse. L’intervention dure 48 minutes durant lesquelles la Porsche a pratiquement refait son retard. La Matra reprend la course de plus belle et creuse à nouveau l’écart avec la Porsche turbo pour terminer victorieuse avec 6 tours d’avance.
Attardons nous maintenant sur le modèle réduit qui m’a inspiré pour me lancer dans la rédaction de cet article. Il s’agit d’une production de la marque Spark et c’est ma première expérience avec ce fabricant. La miniature est à l’échelle 1/18 et elle est réalisée en résine. En conséquence elle ne propose donc pas de parties ouvrantes ou amovibles. Toutefois, des quelques expériences que j’ai pu avoir avec d’autres productions de ce type (CMR et Technomodel-Mythos), je suis largement plus satisfait de celle-ci (7).
En effet, c’est pour l’instant le seul constructeur de modèles réduits en résine qui s’attache autant aux détails de la mécanique, laquelle est souvent bien visible à l’arrière de ce type de voiture. Comme vous pourrez en juger avec les photos ci-jointes, et en comparant avec celles de la voiture originale, toute la partie transmission est assez bien reproduite, jusqu’à l’alternateur avec sa courroie, et le tout dans la structure tubulaire de cette partie du châssis. Mieux encore, si vous examinez l’intérieur, sous le capot, vous y distinguerez les éléments de suspensions, le bloc moteur, le radiateur d’huile posé sur la boîte de vitesse et mêmes des grilles de canalisation d’air. C’est là qu’on regrette vraiment que le capot ne puisse pas s’ouvrir…!
Il en est de même pour le poste de pilotage, lequel est très finement reproduit avec les moindres détails, jusqu’aux barres de maintien du rétroviseur, de l’appuie-tête ou les rivets de la coque et des trappes d’accès aux réservoirs.
Extérieurement, la miniature est irréprochable tant du point de vue de la fidélité de reproduction que des couleurs ou des éléments de marquage ou de décorations publicitaires. Concernant ce dernier point, une petite coquetterie du fabricant fait qu’il vous laisse le soin de poser vous même les decalcs du sponsor cigarettier Gitanes…! Je ne sais pas vraiment pourquoi mais je suppose que c’est pour des questions de déontologie vis à vis de la publicité sur le tabac ?
Pour le reste je vous laisse admirer avec les photos ci-dessous (Cliquez sur chaque image pour l’obtenir en plein écran).
Enfin, je dois tout de même noter que cette miniature a un petit point faible au chapitre robustesse. En effet, la finesse de reproduction des éléments la rend plutôt fragile. En l’ayant pourtant manipulée avec le plus grand soin, je vais déjà devoir remettre en place une partie de l’aileron arrière et un des crochets de remorquage avant qui se sont décollés. De même les éléments du châssis tubulaire à l’arrière sont tellement fins qu’il ne sont pas parfaitement rectilignes comme ils devraient l’être et toute tentative d’intervention à cet endroit risque d’être délicate et risquée.
En conclusion, cette reproduction de Spark est d’un très bon rapport qualité-prix. En effet, c’est, pour l’instant, le meilleur retour d’expérience que j’ai pu avoir pour ce type de reproduction en résine.
Si le sujet sur les miniatures automobiles vous intéresse, je vous invite à lire cet article de synthèse que j’ai écrit à propos des constructeurs de modèles réduits et que j’actualise régulièrement. De même vous pourrez retrouver dans cet autre article une synthèse de tous les dossiers sur les voitures de légende qui sont publiés dans ce blog.
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Notes :
(1) On retiendra par exemple les fameuses Matra Djet, Bagheera, Rancho et Murena, ou encore l’indémodable Renault Espace qui, ne l’oublions pas, a vu le jour dans l’usine de Romorantin tout comme la futuriste Avantime dont la carrière n’a certes pas été fulgurante.
(2) René Bonnet avait été auparavant associé à Charles Deutsch avec lequel il avait créé la société DB qui, en collaboration avec Panhard ou Peugeot, a construit de nombreuses voitures de course qui se sont illustrées dans la catégorie des petites cylindrées au Mans dans l’immédiat après-guerre.
(3) Ses lignes rappelait plus ou moins celles que la future 530 destinée à la clientèle de route (cockpit façon pyramide tronquée et pavillon plat, forme de la proue). Il semblerait que, selon les exigences de JL Lagardère, la 620 devait en effet se présenter comme le lien entre la compétition et les voitures clients.
(4) La MS-640 était l’oeuvre du célèbre aérodynamicien Robert Choulet qui commença sa carrière chez Deutsch avec les CD Panhard. A la suite de l’échec de la 640 il continua une brillante carrière chez Porsche, et entre autres dans le design de la 917-LH. Il a également travaillée par la suite dans la conception aérodynamique de l’Alfa Romeo 33-TT12 puis chez Ligier, chez Peugeot pour la 905 et enfin chez Toyota.
(5) Tandis que Beltoise tombe en panne à proximité des stands et qu’il pousse sa voiture en bordure de piste, Igniazo Giunti, au volant d’une Ferrari 312-PB, effectue un dépassement, ne voit pas la Matra, et la percute violemment. A défaut d’être inculpé par la justice en Argentine, Beltoise sera suspendu par la FFSA.
(6) Il faut également noter des participations ponctuelles de pilotes connus tels que François Migault, Jean Guichet, Jo Schlesser, Bob Wolleck et certainement d’autres que j’oublie.
(7) Chez CMR il s’agit de la Ferrari 512-S #11 du Mans 1970. Chez Technomodel il s’agit de la Lola T70 #7 du Mans 1969.
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Références :
Pour rédiger cet article j’ai puisé mes informations parmi les sites suivants :
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- Tout d’abord, il convient de noter le site de Matra-Passion qui résume de manière très synthétique le parcours de Matra en compétition selon les deux volets, à savoir de la F3 à la F1 et au Mans en Sport-Prototype.
- Ensuite, j’ai puisé pas mal d’informations dans le site de News d’Anciennes et plus particulièrement dans les différents articles où chaque modèle est décrit. Tous ces articles sont répertoriés dans cette page récapitulative dédiée à Matra.
- Ensuite, comme c’est souvent le cas, l’excellent site ultimatecarpage m’a été également très utile. Il répertorie un certain nombre de voitures et plus particulièrement les modèles 630, 650 et 670. Par ailleurs c’est une précieuse source d’images.
- De même il convient de citer le site de Caradisiac et plus particulièrement les page consacrée aux MS-670.
- Bien évidemment je ne peux pas passer sous silence l’incontournable Wikipedia qui est toujours aussi bien documenté, que ce soit pour les voitures elles-mêmes que pour la société Matra et les hommes qui ont contribué à cette aventure sportive.
- Enfin je me dois également de citer les deux pages suivantes issues de La revue Automobile et du site de l’essence dans mes veines cette dernière étant très illustrée avec en bonus deux vidéos intéressantes.
- De même, le site de André Dewael est intéressant pour sa galerie des différents modèles et pour celle de pilotes.
J’ai par ailleurs trouvé plein de choses intéressantes dans les ouvrages suivants :
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- Endurance 50 ans d’histoire vol. 2 1964-1981 de Alain Bienvenu (éditions E-T-A-I)
- Les grandes heures de Montlhéry de Dominique Pascal (éditions E-T-A-I)
- 24 heures du Mans les années légendaires de Joël Béroul (Editions Ouest-France)
Enfin, je rappelle mes sites de référence en matière de compétition automobile :
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- Le site Racing Sport Cars qui répertorie tous les résultats course par course, voiture par voiture, etc.
- Les pages de Wikipédia consacrées au championnat du monde des voitures de sport. avec les liens vers les résultats détaillés année par année.
- Enfin l’incontournable page des résultats des 24 heures du Mans.
Nota : Pour quelques illustrations je n’ai pas pu en identifier l’auteur(e) et d’autres n’ont également pas pu le faire. Si certains parmi vous peuvent apporter des précisions à ce sujet, ne pas hésiter à m’en faire part, je rectifierai volontiers.