Ferrari 330 P4 – L’arme de Maranello face au défi américain

Dans un précédent article j’évoquais cette fin de saison 1964 où Ferrari se trouvait en quelque sorte à « la croisée des chemins ». En effet, si les 250/275-P avaient su s’imposer deux années de suite dans de nombreuses épreuves, et en particulier au Mans, il n’en demeurait pas moins que l’inquiétude grandissait à Maranello vis à vis des concurrents américains.

Après la tentative infructueuse de rachat de Ferrari, Ford décidait de s’engager résolument dans la compétition avec ses GT-40. Celles-ci avaient certes encore besoin d’être fiabilisées mais avec leurs motorisations V8 de 4,7 litres elles allaient tutoyer les 400 Ch…! D’autre part, Jim Hall affichait également son intention d’entrer dans la compétition avec ses innovantes Chaparral 2A et 2D et leur V8 Chevrolet de 5,2 litres.

Dans la catégorie GT, les perspectives n’étaient pas plus brillantes pour Ferrari. Malgré une nouvelle version 64, les GTO subissaient la concurrence acharnée des Cobra Daytona de Caroll Shelby. Par ailleurs, la 250 LM n’ayant pu être homologuée en GT, il ne restait plus à Ferrari que de faire évoluer la 275 GTB en version compétition, ce qui n’était qu’un assez modeste palliatif.

Enfin, suite au schisme provoqué par le départ de Carlo Chiti et de son équipe en 1961, Enzo Ferrari laissait carte blanche au jeune ingénieur Mauro Forghieri, lequel se trouva ainsi à la tête du département compétition avec la lourde tâche de relever le défi face à la concurrence américaine dans la catégorie sport-proto, mais aussi en Formule-1 face à Lotus ou Brabham.

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Objectivement, en dépit de deux places sur le podium au Mans et d’une fin de saison un peu plus flatteuse, la 330 P méritait d’être optimisée pour adopter ce V12 de 4 litres, sinon d’être remplacée par un nouveau châssis. C’est cette dernière solution qui a été choisie. La voiture qui en résultera va porter le nom de 330 P2.

Il s’agit d’un châssis surbaissé, élargi et plus léger. La carrosserie de type spyder a encore des airs de famille avec les 275/330-P tout en adoptant quelques caractéristiques inédites que l’on retrouvera sur les modèles qui vont suivre. Elle se distingue de la 330-P par un arceau-tunnel qui rappelle un peu celui de la 250-LM ainsi que par un pare-brise plus enveloppant. Le réservoir de carburant est toujours situé à l’avant tandis que les roues à rayons sont remplacées par des jantes métal permettant de monter des pneumatiques plus larges.

Au niveau de la motorisation, le V12 de 4 litres, dispose dorénavant de 2 arbres à cames en tête de chaque rangée de cylindres et d’un double allumage. L’alimentation est assurée par 6 carburateurs Weber. Ce moteur pouvait développer 410 Ch à 8800 t/mn permettant d’atteindre 320 km/h de vitesse de pointe, de quoi faire face aux GT-40. A noter enfin que, pour la première fois, le bloc moteur est adapté afin qu’il puisse jouer un rôle actif dans la structure du châssis.

Au total il semblerait que 3 numéros de châssis aient été enregistrés initialement sous le nom de code 330-P2 sachant qu’il y eut conjointement 3 châssis sous la dénomination 275-P2 qui portaient les mêmes numéros ! A noter enfin que des P2 vendues à des écuries privées ont utilisé un moteur de 4,4 litres sous le nom de code 365-P2. (1)

Lors de la saison 65, après avoir dominé les tests du Mans en avril, Surtees et Scarfiotti placeront une 330-P2 en 2ème position à Monza (derrière une 275) puis remporteront un mois plus tard les 1000 km du Nürburgring.
Au Mans, c’est en revanche la déception dans le clan des Ferrari usine. Les 330-P2 sont contraintes à l’abandon sur problèmes de transmission, laissant ainsi deux 250 LM d’écuries privées sauver l’honneur.
Ainsi, Parkes et Guichet ont dû abandonner à seulement 1 h 1/4 de la fin tandis que  Surtees et Scarfiotti (photo ci-dessus) jetaient déjà l’éponge à la 17ème heure. De leur côté, l’équipage BandiniBiscaldi et leur 275-P2 n’ont pas fait mieux. Maigre récompense, une 365-P2 privée du NART terminait 7ème avec l’équipage Rodriguez-Vacarella.

Pour conclure, les 330-P2 n’auront été que des solutions de transition qui auront eu au moins le mérite d’évaluer des solutions techniques. En revanche les dérivées 365-P2 ont connu des carrières relativement longues. Aux mains de pilotes reconnus, et sous la bannières d’écuries privées prestigieuses (NART, Maranello Concessionnaires, Francorchamps, Filipinetti, Piper, etc) elles ont remporté quelques succès jusqu’en 1967 dans des épreuves de second ordre.

Face à la menace venue d’outre-Atlantique, Mauro Forghieri et son équipe devaient maintenant trouver la parade et concevoir rapidement une remplaçante à la P2, une voiture qui puisse relever le défi de taille qui s’annonçait.

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Si les Ford GT-40 ont encore failli au Mans en 65, il n’en demeure pas moins qu’elles ont quand même montré leur fort potentiel avec leurs grosses motorisations de 4,7 litres, sans parler de ce qui allait suivre avec un V8 de 7 litres encore plus puissant.
Pour faire face, Ferrari n’avait pas l’intention de produire un nouveau moteur et la stratégie était donc de jouer sur le qualitatif, en agissant sur les performances du V12 de 4 litres d’une part, et en travaillant par ailleurs sur le châssis et l’aérodynamique tout en préservant le poids. Autrement dit, il s’agissait de montrer que, en dépit de moyens financiers sans commune mesure, le travail d’orfèvre des équipes de Maranello pouvait contrer efficacement le seul recours à la puissance. Pour cela, ce n’est pas moins d’une quinzaine d’ingénieurs qui vont être mobilisés dans tous les domaines, parmi lesquels Mike Parkes qui va jouer un rôle essentiel comme pilote-essayeur. (2)

(C) dupontregistry.com

La nouvelle mouture dénommée 330-P3 allait s’appuyer sur un châssis hybride constitué d’une base multitubulaire légère en acier mais renforcée par des panneaux d’aluminium rivetés. La solution apportait une plus grande robustesse tout en favorisant la réparabilité et donc la réutilisation des châssis au fil des saisons. Comme pour la P2, le bloc moteur faisait partie intégrante du châssis, participant ainsi à sa rigidité en mode « semi-porteur ». Par rapport à sa devancière, la P3 est plus longue, plus large et encore plus surbaissée. Elle adoptera également des pneumatiques plus larges sur des jantes en alliage léger.

Les réservoirs de carburant sont placés longitudinalement de part et d’autre de l’habitacle tandis que, contrairement aux principales concurrentes, les radiateurs d’eau et d’huile restent situés à l’avant.
Les suspensions adoptent un schéma éprouvé avec triangles superposés et barres de tirage assistés par des modules ressorts-amortisseurs Koni. Le freinage est assuré par des freins à disques ventilés Girling.

L’élément le plus emblématique de cette voiture est l’exceptionnelle carrosserie qui fait de la P3 (et de la P4 qui lui succèdera) la plus belle voiture de sport de son époque, et qui est encore souvent reconnue comme telle de nos jours.

Cette véritable œuvre d’art automobile, en grande partie conçue par l’équipe de développement, a été réalisée par la Carrozzeria Sports Cars de Piero Drogo (3).
Tout dans cette voiture évoque la fluidité aérodynamique avec des galbes harmonieux sans aucune aspérité, hormis de discrètes grilles sur les flancs et deux prises d’air latérales en creux dans les portières pour l’admission moteur et le refroidissement des freins arrière. A l’avant le refroidissement des radiateurs est assuré par la combinaison d’une large prise d’air frontale et d’une profonde écope d’extraction par dépression aérodynamique sur le capot.

(C) ultimatecarpage – Wouter Melissen

Signe caractéristique, l’habitacle adopte une forme de type sphérique avec un pare-brise très incliné, quasiment dans le prolongement du capot. Selon les besoins en fonction de la nature des épreuves, les voitures pouvaient être dotées d’un habitacle fermé avec une grande custode, sinon en spyder avec un large arceau-tunnel dont le but était de canaliser l’air vers un discret becquet à l’arrière. En complément deux petits ailerons d’appui aérodynamique étaient situés à l’avant.
Contrairement à beaucoup de constructeurs qui ont opté pour du matériau composite, la P3 est encore majoritairement habillée de panneaux d’aluminium rivetées. Seules les portières sont en composite polyester-fibre de verre.

La motorisation est toujours assurée par le V12 à 60° de 3967 cm3 dont le bloc et les culasses sont en alliage léger. La distribution par deux arbres à cames en tête de chaque rangée commandait 2 soupapes par cylindres. L’alimentation par carburateurs est abandonnée au profit d’un système à injection indirecte Lucas.
Toutefois, les voitures destinées à être cédées à des écuries privées étaient encore dotées de 6 carburateurs Weber sous la dénomination 412-P (exemple sur photo ci-contre). Visiblement Ferrari souhaitait réserver aux voitures « usine » les motorisations les plus performantes… 😉
La transmission était assurée par une boîte ZF à 5 rapports avec une position inversée de l’embrayage, désormais placé entre le moteur et la boîte.

Avec une puissance de 420 Ch et un poids d’un peu moins de 800 kg, la 330-P3 pouvait atteindre une vitesse de pointe de 310 km/h. Restait à voir si ceci allait suffire pour contrer les nouvelles Ford GT-40 Mk-II, certes nettement plus lourdes, mais avec une puissance bien supérieure dans leur future version de 7 litres de cylindrée .
Malgré cela, avec un rapport puissance/poids de 0,53 contre 0,4 pour la GT-40, tous les espoirs restaient permis. Le match pourrait alors se jouer sur l’agilité du châssis et l’aérodynamique, sur la fiabilité en endurance, sur la gestion de course, sur les pilotes et l’équipe dans les stands, et un peu aussi sur… la chance !

Pour aborder la saison 66, trois 330-P3 ont été construites et toutes ont été engagées sous la bannière usine SpA SEFAC.
Pour l’ouverture des hostilités, les trois  voitures étaient inscrites pour l’épreuve des 12 h de Sebring en mars mais seule celle de Parkes et Bondurant a pris le départ. Elle fût contrainte à l’abandon, 3 heures avant la fin, sur rupture de transmission.
Un mois plus tard, Parkes et Surtees remporteront la victoire aux 1000 km de Monza, d’une très courte tête devant deux anciennes Ford GT-40 Mk-I.
Si Vacarella et Bandini ne finissent pas la Targa Florio suite à un accident, une 330-P3 s’impose à nouveau aux 1000 km de Spa, cette fois-ci devant une GT-40 Mk-II.
La suite de la saison se termine mal. L’usine est en proie à de nombreux mouvements sociaux et la préparation des voitures en souffre. Surtees et Parkes chutent au Nürburgring. Au Mans, aucune des 3 voitures engagées (dont une par le NART) ne finira.
Seule la numéro 21 (châssis #844)  de Jean Guichet et Lorenzo Bandini tiendra jusqu’à la 17ème heure (photo ci-contre). Ford signera ainsi son triplé historique en tête devant 4 Porsche. Ferrari se consolera avec le titre en GT grâce à deux 275 GTB privées…

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Après ce « tour de chauffe » de 1966, et en dépit des difficultés occasionnées par les grèves en Italie, Ferrari ne se résignera pas. Mauro Forghieri a pris la mesure des résultats obtenus et va lancer, dès la fin de la même année, une évolution de la P3 afin de pouvoir se présenter en ordre de bataille pour le premier rendez-vous de la saison à Daytona. La nouvelle version très logiquement nommée 330-P4 va d’abord se distinguer de la P3 par sa motorisation.

(C) ultimatecarpage – Pieter Melissen

En effet, c’est un nouveau moteur issu de la F1 qui va officier. Ce V12 de 4 litres disposera de 3 soupapes par cylindre et d’un double allumage. Les rampes d’injection seront placée cette fois-ci entre les deux arbres à cames.
Avec une puissance d’environ 450 Ch à 8200 t/mn, pour un poids toujours inférieur à 800 kg, la P4 pouvait prévaloir d’une vitesse de pointe de 320 km/h.

Si les retouches de carrosserie par rapport à la P3 sont à première vue difficilement identifiables, celle-ci a pourtant fait l’objet d’une reprise complète avec une étude très poussée en soufflerie (4). Ainsi, un certain nombre de galbes ont été revus, l’arrière à été légèrement relevé, le déplacement d’ancrage du pédalier à permis d’agrandir la sortie d’air des radiateurs, enfin quelques ajustements ont été réalisés sur des prises d’air ou sur des grilles de ventilation.

Après des essais intensifs sur le circuit même de Daytona dès le mois de décembre 66, les Ferrari étaient en ordre de bataille pour le rendez-vous de février 67. Etaient engagées une P4, une P3 équipée d’un moteur de P4 (dénommée P3/4) et deux 412-P des écuries NART et Francorchamps. Le résultat fût sans appel. Le spyder P3/4 n°23 de l’équipage Bandini-Amon arrivait en tête, suivi à 3 tours par le coupé P4 n°24 de Parkes-Scarfiotti et enfin, à une trentaine de tours, la 412-P n° 26 du NART de l’équipage Rodriguez-Guichet.
Les trois voitures ont franchi la ligne d’arrivée ensemble en guise de réponse à Ford qui avait pratiqué de la même manière l’année précédente au Mans. En l’absence des Ford Mk-IV, les Mk-II ont donc mordu la poussière, les seules survivantes n’ayant réussi à se classer que de la 6ème à la 8ème place.
Pour tout savoir sur cette épreuve mythique je vous recommande vivement de visiter les pages publiées par Sports Car Digest.

Absent à Sebring, Ferrari préfère peaufiner ses voitures pour les tests du Mans en avril où les P4 confirment à nouveau leur supériorité en prenant les 2 premières places et en reléguant la seule Ford Mk-IV présente en 5ème position et avec un différentiel de vitesse de pointe de plus de 10 km/h. Visiblement, la mise au point de la nouvelle Ford n’était pas terminée et cette séance de test n’a donc pas été des plus significatives.

La suite de la saison s’annonce bien avec un doublé victorieux à Monza. En revanche les Ferrari s’inclinent à Spa dans une confrontation très serrée avec une Mirage, une Porsche 910 et une Lola T70. Elles ne devront se contenter que d’une 3ème et d’une 5ème place.

(C) Ford Motor Company

Au grand rendez-vous du Mans, Ford arrive en force avec 9 voitures, dont 4 Mk-IV enfin au point et dotées de leur redoutable moteur de 7 litres de cylindrée. De son côté Ferrari alignait 3 P4, et une P3/4 auxquelles s’ajoutaient 3 voitures clients 412-P.
A l’issue des qualifications, la tête de la grille de départ est trustée par les Ford. Seule une Chaparral a réussi à s’intercaler  en seconde position. La première Ferrari P4 n’est que 7ème. Ceci étant la confiance règne quand même chez les transalpins qui se disaient que, à défaut d’être les plus rapides, la fiabilité ferait la différence au bout de 24 heures. Le pari était osé…!

Après 2 heures de course, la Ford Mk-IV n° 1 de Gurney et Foyt est en tête, Scarfiotti et Parkes avec leur P4 n° 21 sont en 5ème position, dans le même tour, avec la seconde Mk-IV et une Chapparal.
Plus tard dans la nuit, alors que 3 Ford sont en tête, il y a de la casse sur le circuit et le classement va changer, mais la Ford n° 1 se maintient toujours en tête. Parfaitement bien menée par ses pilotes, elle continue à tourner avec régularité à 5 tours devant la P4 n° 21.

Dans le clan Ferrari où on avait misé sur l’usure des Ford, on commence à douter sérieusement.
Dimanche matin, lorsque Franco Lini, le directeur de course, décide de lancer Mike Parkes aux trousses de la Ford de tête, il est trop tard. L’écart est trop important et l’équipage Gurney-Foyt peut même se permettre de lever le pied pour que la voiture tienne jusqu’au bout sans que la P4 arrive à combler le retard. Ferrari va regretter amèrement cette monumentale erreur de stratégie, basée sur un excès de confiance et sur un pari mal mesuré.
Une autre P4 de l’équipage Mairesse-Beurlys, sous bannière de l’écurie nationale belge, arrivera en troisième position à 7 tours devant l’autre Ford Mk-IV rescapée de Mac Laren et Donohue encore 18 tours plus loin.

La saison se terminera avec les 6 heures de Brands Hatch où Amon et Stewart s’inclineront de seulement 79 mètres… derrière la Chapparal de Hill-Spence. Deux autres P4 se classeront aux 5ème et 6ème places suivies par la 412-P de David Piper.

Au classement général du championnat du monde, dans la catégorie des prototypes de plus de 2 litres, Ferrari l’emporte d’une courte tête (2 points) devant Porsche. Ford est à 10 points derrière mais l’objectif de la firme de Detroit n’était pas le championnat mais la victoire au Mans, ce qui était désormais chose faite pour la seconde fois.

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Cette année 1967 aura été celle de tous les superlatifs. Les épreuves ont eu un vif succès auprès du public et le spectacle était au rendez-vous pour assister au « combat des titans », ou de David et Goliath si vous préférez…! 😀
Pensez donc… pour ne parler que du Mans, les deux voitures de tête ont terminé à l’incroyable moyenne de 218 et 216 km/h. Même la Porsche 907 de Hermann-Siffert et son modeste moteur de 2 litres terminait à 201 km/h…!

Préoccupée par cette course à la performance, et sous couvert de préservation de la sécurité, la fédération internationale du sport automobile a décidé de revoir complètement les règles pour la saison suivante en limitant la cylindrée à 3 litres pour les véhicules du groupe VI des sport-prototype et à 5 litres pour ceux du groupe IV des véhicules de sport homologués. Ainsi les « gros cubes américains » (Ford Mk-IV, Chaparral, etc.) ainsi que les Ferrari P4, et autres Lola T-70, furent de facto écartées du championnat, sauf à réduire leur cylindrée de manière drastique, sinon à présenter au moins 50 exemplaires en vue d’une homologation en groupe IV. (5)

Ce grand chambardement a forcé les constructeurs à se réorganiser. Certains ont préféré se réorienter vers des épreuves telles que la CanAm, sinon à boycotter le championnat comme l’a fait Ferrari. D’autres ont vu là l’occasion de revenir en lice en groupe IV comme ce fut le cas pour d’anciennes GT-40 construites en suffisamment d’exemplaires (6) ou encore pour les Lola T-70 dont Eric Broadley avait décidé de lancer une production en série en vue de l’homologation.

S’agissant plus particulièrement de Ferrari, ce fût la fin des P3/P4, lesquelles avaient encore pourtant beaucoup à faire valoir. Furieux, Enzo Ferrari va boycotter le championnat et se recentrer à la fois sur la F1 et sur le nouveau proto 312-P qu’il pensait mettre en compétition dès l’année suivante. On verra qu’il va être contraint à revoir son plan afin de répondre à un nouveau défi lancé par Porsche avec ses 917 (lire l’article consacré à cet épisode).

C’est ainsi que les P4 seront dispersées mais deux d’entre-elles vont faire l’objet d’une reconversion en 350 CanAm pour s’aligner sur les circuits américains face aux redoutables Chaparral, Lola et Mac Laren contre lesquelles elles n’ont hélas jamais pu s’imposer.

(C) primotipo – Dick Simpson (1968)

On les retrouvera également dans quelques épreuves en Australie ou en Afrique du Sud où elle eurent un peu plus de réussite.
Pour plus de détails, lisez cet autre article du blog qui est entièrement consacré à ces deux voitures, leurs caractéristiques, leurs palmarès, ce quelles sont devenues, etc…

 

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Les P3 et P4 ont fait l’objet de nombreuses reconversions plus où moins officielles et il est parfois un peu difficile de s’y retrouver dans les numéros de châssis et de retracer les différentes mutations. Pour celles/ceux que cela intéresserait, voici un bref résumé :

Au-delà de ce récapitulatif sur lequel tout le monde s’accorde à peu près, il convient d’ajouter que les 350 CanAm ont été à nouveau reconverties, de manière plus ou moins académique, pour revenir à leur version d’origine…

A ce jour il ne reste a priori qu’une seule P4 qui soit vraiment d’origine. Il s’agit du châssis #856 qui termina 5ème à Brands Hatch en 1967.
Quant au châssis #858 qui termina second au Mans en 67, il a été reconstruit par David Piper en relation avec le concessionnaire Talacrest.
De même, le châssis #860 aurait reçu une carrosserie en partie reconstituée. Pour ces deux voitures, il est probable qu’elles disposent encore de leur moteur de 4,2 litres CanAm.
Enfin, concernant les P3 reconverties en 412-P, il en existerait encore au moins quatre  portant les numéros de châssis #844, #848, #850 et #854. (7)

Enfin, les P4 ont également fait l’objet de nombreuses répliques plus ou moins réussies, et le plus souvent dotées d’éléments mécaniques qui n’ont rien à voir avec Ferrari (moteurs, transmissions, etc.).
Il existe toutefois celle de David Piper qui a reçu la bénédiction de l’usine Ferrari, laquelle lui a officiellement attribué le numéro de châssis #900. Elle a été en partie construite avec des pièces détachées que Ferrari lui aurait cédées ainsi que les plans.

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Après ce long article, et comme pour tous les autres, il est temps maintenant de parler un peu de miniatures. Compte tenu de la popularité des Ferrari P3 et P4, celles-ci ont été reproduites de très nombreuses fois et à toutes les échelles. Il est impossible de faire ici un panorama de l’offre mais il vous suffira de saisir dans un moteur de recherche le terme « miniature ferrari » suivi du nom du modèle pour vous en donner une idée. Actuellement, la grande majorité des offres sont des modèles en résine, sans partie ouvrantes.

Je vais donc me limiter à ne vous présenter que ce que je connais le mieux au travers de deux miniatures du constructeur GMP. Celui-ci n’existe hélas plus en tant que tel depuis 2011 si ce n’est qu’il a été racheté en 2014 par la société ACME, laquelle a repris la fabrication d’un certain nombre de modèles mais presque exclusivement de voitures de grand tourisme américaines et d’accessoires de diorama.

Les deux miniatures présentées ci-après font partie des dernières productions de GMP. Il s’agit d’une fabrication de très haut de gamme, d’un niveau équivalent à ce que peut faire le leader CMC. Le souci du détail est tel que ces modèles présentent en revanche quelques fragilités. Plus que de longs discours, vous pourrez juger de la qualité de ces reproductions uniques par les galeries photos que je vous proposerai ci-après.

La première miniature est une reproduction de la Ferrari 330-P4 numéro de châssis #860 dans sa configuration de l’épreuve des 6 heures de Brands-Hatch en 1967 où elle portait le numéro 6 et était pilotée par Chris Amon et Jacky Stewart.

(C) Lienhard Racing Photography

Face à la concurrence très affûtée de Chaparral, Porsche et Lola, et en dépit de quelques incidents techniques, cette Ferrari terminera quasiment roue dans roue derrière la Chaparral 2F de Phil Hill et Mike Spence.
Auparavant elle avait fait sa première sortie au Mans sous le n° 19 avec l’équipage Sutcliffe-Klass où une panne de pompe à injection l’a contrainte à l’abandon au bout de 19 heure de course.

Elle passera ensuite sous le contrôle d’écuries américaines avec lesquelles elle aura une brève carrière en compétition CanAm, pilotée par Chris Amon puis par Pedro Rodriguez. Transformée en 350 Canam, elle sera alors rachetée par divers collectionneurs pour être finalement remise dans son état quasi d’origine. Actuellement elle fait partie de la célèbre collection Bardinon au Mas du Clos.

Voici un premier aperçu de cette miniature à l’échelle 1/18. Pour voir la totalité de la galerie cliquez ICI !

La seconde miniature est une reproduction de la Ferrari 412-P numéro de châssis #844 dans sa configuration NART des 24 h du Mans en 1967 où elle portait le numéro 25 et était pilotée par Pedro Rodriguez et Giancarlo Baghetti.

Placée au 8ème rang sur la grille de départ elle était la première des 412-P. Pedro Rodriguez effectue alors un départ fulgurant et prend la tête du peloton des Ferrari en 6ème position au bout de la première heure.
En début de nuit, la température moteur devient inquiétante. Après vérification du circuit de refroidissement, la n° 25 reprend la piste mais finira par abandonner un peu avant 2 h du matin sur casse moteur.

Cette voiture a eu un palmarès qu’il convient de noter. En effet, dès 1966 en version initiale P3, elle remportera coup sur coup les 1000 km de Monza puis les 1000 km de Spa avec les équipages respectifs Surtees-Parkes et Parkes-Scarfiotti. Enfin en 1967, elle faisait partie du célèbre trio de tête aux 24 h de Daytona en 3ème position avec l’équipage Rodriguez-Guichet.
Il semblerait qu’elle ait terminé sa carrière dans des épreuves de la CanAm 67 avec Ludovico Scarfiotti et aurait même fait l’objet d’une transformation en barquette 350-P mais sans aucune certitude sur ce point. (8)

Et à son tour, voici un autre aperçu de cette miniature à l’échelle 1/18. Pour voir la totalité de la galerie cliquez ICI !


Notes :

(1) Le suivi des versions et des numéros de châssis chez Ferrari est tout un art… Au gré des transformations successives et des récupérations de composants, on suspecte que les identifiants aient subi quelques trafics …
(2) Outre Mike Parkes, les noms qui reviennent souvent dans l’équipe sont ceux de Bussi, Caliri, Jacoponi, Malloli, Marelli, Rochi et Salvarini.
(3) Cette carrosserie a été initialement conçue par Mauro Forghieri et Stefano Jacoponi avant d’être confiée aux équipes de Piero Drogo pour en assurer la fabrication. La conception a fait appel à un longue étude sur des maquettes en soufflerie.
(4) Ces essais ont été réalisés avec une maquette en grandeur réelle à l’université de Stuttgart, seule à l’époque à pouvoir accepter de telles dimensions.
(5) Ce changement de réglementation a fait polémique. En effet, la FIA a été soupçonnée de vouloir favoriser les constructeurs de cylindrées plus modestes comme Matra, Alfa Romeo, Porsche, etc. D’autre part, Porsche a également été soupçonné d’avoir fait du lobbying auprès de la fédération.
(6) Pour cela John Wyer a su habilement remettre en selle ces anciennes GT-40 sous la bannière Gulf.
(7) #0848 est en Suisse dans la collection de G. Perfetti. #0850 est aux Etats Unis, a priori dans sa configuration 1000kms de Spa 1967 avec l’écurie Francorchamps. #0854 est dans la collection de J. Glickenhaus dans sa version Le Mans 1967 de Maranello Concessionnaires, ce dernier étant par ailleurs l’auteur d’une rocambolesque et très controversée « reconstruction » de #0846, laquelle est officiellement radiée par Ferrari SpA.
(8) Selon le site très documenté Ultimate Car Page, cette voiture aurait été par la suite entièrement restaurée et serait dorénavant la propriété d’un collectionneur allemand. Elle a été vue au Mans Classic de 2006 à 2010 ainsi qu’à Goodwood en 2007. Cette information est par ailleurs confirmée par Arthomobiles.


Références :

Comme je le fais systématiquement, je me dois maintenant de citer scrupuleusement mes sources et d’en remercier au passage les auteurs. Dans le cas présent, s’agissant de Ferrari, de telles sources sont innombrables.

Ainsi donc, mes principales références ont été :

  • Comme c’est souvent le cas, les articles publiés par Ultimate Car Page m’ont fourni la première base sur la série P2-P3-P4 ainsi qu’un certain nombre d’illustrations.
  • Mais la source la plus détaillée m’a été fournie par le livre de la collection « Ferrari Cavalleria » (volume 11) qu’un ami passionné m’a gentiment prêté.
  • Le Site Dark Cars m’a apporté quelques compléments sur la 330-P2 laquelle n’est en fait qu’assez peu documentée sur le web.
  • A noter aussi cette bonne page du site TopSpeed consacrée à la 330-P3.
  • De même cet autre site, dont je n’arrive pas à trouver le véritable nom, m’a permis de confirmer un certain nombre de points sur la 330-P3.
  • Le site Arthomobiles propose également un dossier consacré  aux différents châssis des Ferrari P et entre autres de 330-P3/P4 ou 412-P. Je dois par ailleurs à son auteur l’image du bandeau d’entête de la P4 #856.
  • Concernant les 350 CanAm dont j’ai assez peu parlé, le site Primotipo propose une page dans laquelle il fournit quelques précisions sur ces versions.
  • Enfin, comme d’habitude, Wikipédia fournit plus ou moins l’essentiel et surtout en version anglaise. Je note en particulier cette page qui offre un panorama de l’ensemble des prototypes Ferrari des années 60 aux années 70.
  • Et quelques autres que j’ai cité directement dans le texte…

Et comme toujours, pour les palmarès détaillés :

Enfin, s’agissant des illustrations de cet article, je me suis efforcé d’en citer les auteurs toutes les fois que j’ai pu les identifier. Toutefois, dans de nombreux cas, certaines photos se retrouvent sur plusieurs sites distincts sans pouvoir déterminer qui en est vraiment l’auteur. Si vous avez des informations à ce sujet, merci de me les transmettre afin que je puisse rectifier ou compléter.

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