Cette troisième chronique cinéma de l’année arrive un peu tardivement pour au moins deux raisons. D’une part, trêve estivale oblige, les mois passés depuis la chronique précédente (fin mai) ont été plus propices à d’autres activités que celles qui consistent à regarder la télévision ou à aller au cinéma. D’autre part, la conjonction avec différents événements sportifs importants a fait que les programmations cinématographiques des chaînes de TV ont été peu attrayantes en général.
J’ai malgré tout retenu 7 films dont deux qui sont des chroniques sociales plutôt réussies et qui nous donnent à réfléchir (La tête haute et La loi du marché). Sinon, je retiens essentiellement le film espagnol La isla minima qui tutoie allègrement les meilleures productions américaines de thriller. Pour le reste, Phoenix est un film qui mérite vraiment le détour.
- La tête haute. 😀 Séverine (Sara Forestier) est une jeune femme instable, déprimée et plutôt immature. Mère célibataire, elle élève avec pas mal de difficultés, ses deux garçons dont Malony (Rod Paradot) que l’on retrouve ici en pleine crise d’adolescence, violent et délinquant chronique. Son chemin chaotique va croiser celui de la juge pour enfants (Catherine Deneuve) qui l’a suivi depuis sa petite enfance alors qu’il avait déjà dû être retiré temporairement de la garde de sa mère. Il va avoir également à faire à Yann (Benoît Magimel) qui est éducateur spécialisé et qui est, lui aussi, passé par là autrefois. Ce dernier aura ainsi la lourde tâche de tenter de remettre Malony sur les rails de la société. Ce film fiction, qui prend parfois la forme d’un documentaire, est d’une âpreté et d’une puissance incroyable. Il ne laissera personne insensible tant les acteurs sont convaincants. C’est une plongée très réaliste et sans concession dans le monde de l’enfance au sein de la misère sociale et de la difficile mission de ce qu’il est coutume d’appeler les « travailleurs sociaux » lesquels font ce qu’il peuvent pour sortir de la spirale infernale de la délinquance ces jeunes en déshérence sociale. La fin se termine toutefois sur une discrète note d’optimisme. En conclusion ce très beau film d’Emanuelle Bercot est à voir absolument, aussi bien pour la manière dont est traité le sujet que pour la qualité du jeu des trois principaux acteurs. Plus d’information sur Allociné.
- Le journal d’une femme de chambre. 😐 Nous sommes au début du siècle dernier. Célestine (Léa Seydoux) fait partie de ces femmes de chambre de « haut de gamme » qui sont placées, par l’intermédiaire d’une agence, auprès de riches clients. C’est ainsi qu’elle va rejoindre la famille Lanlaire où Madame mène d’une main de fer la maison et le petit personnel tandis que Monsieur est prêt à trousser tous les jupons qui passent à sa portée. Pour sa part Monsieur Joseph (Vincent Lindon) est jardinier mais aussi l’homme à tout faire de la maison. D’un caractère taciturne et taiseux, il ne cache pas sa défiance envers les juifs en cette période marquée par l’affaire Dreyfus. Il finit par fasciner de plus en plus Célestine, laquelle s’ennuyant un peu cherche à comprendre ce qui peut bien animer secrètement ce jardinier énigmatique. Benoît Jacquot nous livre ici une nouvelle adaptation du livre d’Octave Mirbeau. Pour ma part, j’ai trouvé ceci très ennuyeux, d’une lenteur étouffante et avec un jeu d’acteurs totalement atone. Le seul intérêt réside toutefois dans la qualité des décors, des costumes et de la description sociale et politique de l’époque. Plus d’information sur Allociné.
- La loi du marché. 😀 Thierry (Vincent Lindon), la cinquantaine, est au chômage depuis plusieurs mois et il tente désespérément de joindre les deux bouts tout en maintenant la cohésion familiale avec sa femme et son fils handicapé. Sa vie s’organise quotidiennement entre les CV, les entretiens à pôle emploi, les rendez-vous avec la conseillère bancaire qui cherche à ce qu’il s’endette encore plus, etc. etc. La situation ne s’améliorant pas, ils finissent par se résoudre à vendre le petit mobile-home qu’ils avaient acheté en bord de mer du temps où tout allait bien. Enfin, un emploi s’offre à lui et il finit par accepter, même s’il s’agit d’un poste très en dessous de ses compétences professionnelles. Il va ainsi devenir agent de surveillance dans une grande surface où il devra dorénavant, non seulement traquer les clients chapardeurs, mais également les employés des caisses qui, par exemple, mettent de côté les coupons de réduction que les clients n’utilisent pas. Devant les situations de détresse sociale des personnes repérées, Thierry a de plus en plus de mal et hésite entre aller jusqu’au bout de la dénonciation, sinon à fermer les yeux au risque d’être découvert et de perdre son travail. Stéphane Brizé que j’avais déjà beaucoup apprécié avec « Mademoiselle Chambon » ou « Je ne suis pas là pour être aimé », signe ici un film quasi documentaire qui dépeint avec une terrible acuité le contexte social délétère dans lequel beaucoup de nos contemporains vivent désormais. Certaines scènes nous laissent pantelants (avec la conseillère de la banque, la négociation de la vente, l’entretien à pôle-emploi, les discours de l’encadrement du supermarché, etc., etc.). Pour sa part, tout en retenue et totalement investi dans son rôle, Vincent Lindon est tellement criant d’émotion qu’il nous laisse la boule au ventre. du cinéma que ne renierait pas Ken Loach. Plus d’information sur Allociné.
- Phoenix. 🙂 Nous sommes à Berlin, à la fin de la seconde guerre mondiale. Nelly est une des rares rescapées des camps d’extermination de juifs. Gravement défigurée, elle est recueillie par une amie qui va s’arranger pour trouver un chirurgien capable de remettre en état son visage, sans toutefois lui rendre son aspect originel. Alors qu’elles envisagent de rejoindre Israël, Nelly finit par y renoncer car elle n’a pas oublié son mari Johnny, musicien avec lequel elle chantait avant la guerre dans un cabaret. Ainsi va commencer pour Nelly une longue quête dans le Berlin détruit par les bombes jusqu’à ce qu’elle retrouve enfin son mari, lequel ne la reconnait pas vraiment mais qui, devant les similitudes du visage et de l’allure générale, va essayer de l’impliquer dans une escroquerie. Nelly se rend alors compte que son mari l’a trahie. Christian Petzold qui avait déjà réalisé « Barbara » (voir cette chronique) que j’avais beaucoup apprécié, nous propose ici un film noir, et ceci d’autant plus que l’intrigue se déroule dans l’Allemagne de l’immédiat après-guerre avec tout ce que cela comporte d’abominations et de misère pour la population civile. Nina Hoss est pour sa part très émouvante dans sa quête vers la vérité qui va aboutir à dévoiler qui est vraiment l’homme qu’elle avait aimé. Plus d’information sur Allociné.
- La isla minima. 😀 Dans les années 80, deux flics sont dépêchés en Andalousie pour enquêter sur la disparition de deux jeunes filles lors de fêtes locales. Pedro, le plus jeune, représente la génération post-franquiste avec un idéalisme qui ne sied pas toujours forcément à l’ambiance pesante de cette région des marais du delta du Guadalquivir où la population vit encore dans une ambiance d’omerta vis à vis des pratiques d’un certain nombre de trafiquants de tous bords qui sévissent ici. A l’opposé, Juan a vécu sous l’époque franquiste. Son approche et ses pratiques sont radicalement différentes de celles de son coéquipier. Petit à petit ils vont pourtant devoir apprendre à travailler ensemble et à infléchir chacun leurs méthodes. Ce film qui fait fortement penser à la superbe série américaine « True Detective » n’en est pas moins aussi intense. Les deux personnages principaux sont parfaitement investis dans leurs rôles et l’intrigue se fait pesante de bout en bout. On retient sans arrêt son souffle et on sursaute à chaque événement. Un excellent film à côté duquel il ne faut vraiment pas passer. C’est également toute une peinture de l’Espagne des années 80 qui n’avait pas encore complètement fait une croix sur des dizaines d’années de dictature franquiste. De ce point de vue, ce film me fait aussi penser au cinéma Argentin qui évoque l’époque post-Perõn. Plus d’information sur Allociné.
- Sicario. 😐 En zone frontalière avec le Mexique, Kate (Emily Blunt) est une jeune femme officier du FBI chargée de traquer, de ce côté de la frontière, les trafiquants de drogue et leurs caches. A la suite d’une opération importante, et partiellement réussie, elle est convoquée par sa hiérarchie qui va lui assigner une nouvelle mission consistant à accompagner une équipe d’élite mixte, de l’armée et de la CIA, qui envisage d’aller débusquer de gros bonnets de la drogue de l’autre côté, en territoire mexicain. Elle va plus particulièrement assister Matt et Alejandro (Josh Brolin et Benicio Del Toro), deux personnages totalement atypiques et on ne peut plus énigmatiques et imprévisibles. Très vite Kate comprend que les méthodes de travail sont peu académiques, et en tout cas très différentes de celles du FBI, et que dans cette zone de non droit, tout est permis du côté de la police et des services spéciaux. En dépit du cas de conscience que cela lui pose, elle continue malgré tout sa mission en se rendant compte qu’elle est peut-être là uniquement pour service de caution. Ce film de Denis Villeneuve est un thriller haletant et violent qui aborde sans aucun détour la guerre sans merci que se mènent les trafiquants de drogue et les services de police. C’est plutôt bien fait et cela vous tient en haleine. Toutefois, j’ai parfois failli me lasser des scènes répétitives de poursuite et de violence lesquelles masquent, à mon avis, un peu trop la vraie problématique qui est censée sous-tendre l’histoire. De ce point de vue j’avais nettement mieux apprécié Traffic le film que Soderbergh avait réalisé sur le même sujet. Plus d’information sur Allociné.
- Mon Roi. 😐 Suite à un grave accident de ski, Tony (Emmanuelle Bercot) doit subir une longue et pénible période de rééducation. Cela l’amène à revenir en arrière sur sa vie, et plus particulièrement sur ce que fût sa relation avec Georgio (Vincent Cassel) dont elle a été follement amoureuse, au-delà du raisonnable, mais qui l’a pourtant beaucoup fait souffrir par ailleurs. C’est ainsi que l’on va voir se dérouler cette passion dévorante, étouffante, pour un homme aussi machiavélique et pervers qu’il peut être charmeur et séduisant. Ce film de Maïwenn tient essentiellement grâce aux deux acteurs qui sont parfaitement investi dans leurs rôles respectifs. Ceci étant, je n’ai pas guère plus accroché que cela à ce drame intimiste et psychologique qui se montre parfois presque dérangeant. Plus d’information sur Allociné.